À ce monde qui n'en finira jamais de ses carences, j'ose souhaiter, à lumière de chevet qu'on ne remarque que dans le noir le plus insensé, toute l'ampleur du monde.
En écrivant ce texte je ne compte surtout pas en arriver à une réponse, à un remède car je ne considère pas l'incertitude comme une maladie, un problème. J'épouse, j'embrasse le mouvement à plein désir, je navigue flancs ouverts renversé sans cesse entre les continents de réponses et les abîmes de l'absurde insurmontable, là où l'on finit parfois par se noyer l'irrépressible envie d'être au monde. Ce n'est pas un mariage de raison, mais même s'il faut pouvoir aimer pour s'attacher au mouvement, aussi faut-il pleurer jusqu'à se demander si cette mer sans balise sur laquelle on pense s'écarter n'est pas formée de nos larmes, et de toutes ces larmes qui ne sont pas de nous mais qui ont coulées sur notre visage. Cette mer n'est pas étrangère, même si on ne la connaît pas, elle vient de ce nous plus large. Pas besoin de carte, les roses des vents suffisent pour aborder le vaste domaine des expériences.
Si je parle de l'ampleur de la vie, et non de l'amplitude, c'est que je reste subjugué devant sa capacité à battre le sang qui fuse en moi, comme il se doit. L'ampleur est à la hauteur, et non pas un simple écart mécanique et observable entre les extrêmes d'un phénomène, c'est la grandiose et terrible épopée humaine, c'est tout ce qui l'anime, de la beauté de la vie à son infirmité chronique, de sa plénitude trop éphémère à son absurdité gueules à terre. Je le répète, les tics et les tacs et toutes les échelles des conventions se méprennent sur la physique de nos évènements. Elles ne rendent pas la grandeur de ce que l'on vit, elles omettent le vertige qui s'exécute entre le fardeau et l'émeveillement, entre l'assiette vide et le cerf-volant. Bref, elles ne font pas écho à la charge vive de nos expériences, à l'intensité du vécu. Plongeons, pour vivre.
Que cette ampleur soit sauvage, impossible à limiter à contrôler, je ne le nie pas, mais cela ne devrait pas nous faire peur. Au contraire. Dans le noir, tout est possible. Mes questions ne trouveront pas de réponses attitrées, mes émotions me brûleront encore plus, mais de sortir de mes tranchées socialement hygiéniques pour plonger dans le all-men's-land de la vie m'accordera toujours plus avec moi-même et les autres que de me laisser pourrir dans les canons rouillés du Lieu Commun. Pourquoi faut-il attendre la crise de quarantaine, la dépression, la mort d'un proche, l'accident la catastrophe pour réaliser que ce n'est pas dans le préfabriqué que ça se passe?
Et si j'explorais la vie dans ce qu'elle a de plus clair et de plus sombre, seul et avec les autres? S'il fait trop noir, je pourrai toujours me rappeler qu'il y a beaucoup plus de choses dans un coffre fermé que dans un coffre ouvert! Je laisserai le doute me consacrer créateur! Je prendrai part au monde au lieu de me laisser plastifier par lui!
Je souhaite au monde de s'ouvrir à son ampleur, jusque dans ses déclinaisons les plus sauvages, goûter au possible cet éventail infini d'expériences intérieures et collectives. Ainsi sera-t-il peut-être mieux outillé pour s'orienter, ainsi pourra-t-il mieux se comprendre et s'articuler, ensemble empathique.
Si je crie le partage sur tous les toits, c'est pour décrier un drame qui me révolte et m'attriste: l'étouffement de la sensibilité, autant dans la sphère publique que privée. Voilà qu'on s'ampute l'ampleur dans ce qu'elle a de plus vrai, de plus sincère, de "meaningfull". Je souhaite qu'on la valorise, qu'on lui permette de se déployer sans muselière d'image virile ou d'inutilité. Nous le méritons. Pour le bien de tous, vivre dans un monde qui à défaut de toujours s'entendre, s'écoutera au moins. J'ai envi de ça, au-delà d'en goûter l'amertume utopique. Je ne désire pas faire de morale, ici je vous partage une réflexion vécue qui a finit par former un souhait, naïf peut-être, mais pas moins senti: l'ampleur à tous, pour tous.
Malgré tout, sans religion je reste un homme de foi.
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