samedi 28 janvier 2012

La main qui n'a pas caressé




C’est arrivé il y a deux semaines, mais parce que les jours sont chargés comme des semaines, j’ai l’impression que c’était le mois le passé. Le souvenir n’est pas moins vivant.

En me rendant au batey Euscarduna avec mes collègues, cheveux au vent sur une moto rouge, allègre au soleil, je pensais simplement aller prendre des photos de familles pour un projet d’aide, sans plus.

Après quelques photos, une mère a envoyé un de ses petits pour aller chercher ses frères. Bam! Il est parti à courir vite vite, après tout, il était chargé d'une mission, mais ce qui devait arrivé arriva: il a trébuché. Douleur, sanglots, bref, un classique qu’on ne souhaite pas, mais qui est presque inévitable à cet âge.   

Je n’ai pas été incroyablement marqué par cet évènement, même si je voyais le reflet cataclysmique de l’égratignure dans ses petits yeux salés. Non, ce qui m’a jeté à terre, d'un coup, c’est plutôt ce qui ne devait pas arrivé, dans mon imaginaire naïf, mais qui arriva malgré tout: la mère s’est dirigée vers l’enfant, non pour en prendre soin, mais pour le frapper à la jambe (celle qui n'avait pas d'égratignure). Paf. J’étais sidéré. Il pleurait déjà, maman en a rajouté. Je ne savais pas quoi faire, j’étais l’étranger, aurais-je dû intervenir dans ce contexte où je ne connaissais personne? Jusqu’où dois-je en vouloir à la mère? Je me le demande encore, où est ma limite, le moment d'intervention...

La première chose que j'ai faite en revenant, c'est écrire, sortir les remous, voir les mots pour les articuler; à l'intérieur c'était le bordel, vous savez, ces questions qui viennent après un jamais-vu, un impensable. Puis j'ai imaginé ce qui pourrait ne pas se passer si ces gens avaient accès à une certaine éducation, ou du moins, à de plus grandes relations avec le monde extérieur (les bateys, ces villages perdus dans les champs de cannes à sucre, ressemblent à des prisons pour Haïtiens: jamais assez bien payés pour partir), surtout qu'on m'a dit que c'était commun, ce genre de comportement. Je dois le croire, croire qu'une certaine éducation peut faire une belle différence sur le rôle qu’on donne à nos mains. 

Trouvez l'erreur, sur la photo. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire