samedi 25 février 2012

"L'art et la révolte ne mourront qu'avec le dernier Homme"


Ce texte de Camus est un des plus beaux écrits qu'il m'a été donné d'écouter (voir Youtube). Je prétends seulement partager ce qu'il m'inspire, sans vouloir écrire un essai. 

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L'art et la révolte participent ici d'un même mouvement, celui de la vie humaine qui "cherche sa forme" sans jamais la trouver, celui de la vie qui désire perdurer même si elle sait que la mort l'attend, inévitablement. Cette commune quête de sens et cette volonté de contrôler son destin ne mourront ainsi qu'avec le dernier Homme, car elles l'habitent. Bien que les deux puissent aller de pair, concentrons-nous sur la part de l'art.

Dans un autre texte, je tissais des parallèles entre l'art et le catholicisme face à cette interminable quête de sens qui nous ronge, trop souvent sans qu'on n'y porte attention. Aujourd'hui, j'irais même jusqu'à dire que la différence majeure entre ceux qu'on appelle les artistes, et les autres, serait que les artistes s'ouvrent pleinement à cette odyssée dans l'obscur, sans y chercher quoique ce soit de précis, mais en étant prêts à tout recevoir, de la souffrance à la jouissance.  Ce n'est pas tant une question de don, ou de talent, que d'ouverture et de travail. Là où le scientifique cherche des lois et le philosophe l'idéal, là où le croyant prétend détenir la Vérité, l'artiste témoigne de sa condition inachevable en la sublimant sous une forme ou une autre, en s'appropriant du mieux qu'il peut les échos de l'âme. 

Ainsi  capte-il parfois des éclaboussures d'écume au dessus du chaos des vagues, des moments d'infime lucidité dans une mer indomptable. Ces fragments éthérés, à peine perceptibles, demandent un hymne, une articulation qui leur permettra de se déployer,  de rayonner, de voyager au travers de ces milliers d'univers qu'on appelle les autres: on se retrouvera alors confondus devant une oeuvre d'art, devant une cicatrice qui manifeste l'ampleur de la vie, un inukshuk au coeur de l'indicible. On saura qu'un être humain aura chassé dans les parages, qu'il aura ici vécu, en pensant peut-être mourir, d'une nourriture vitale et meurtrissante, l'émotion. 

J'imagine cette scène d'un conte où le protagoniste, en quête de sens, rencontre un vieux sage qui lui dit ceci:

- N'aie pas peur de tomber, car on tombe forcément sur quelque chose: une fois rendu au fond du baril, après le choc tu réaliseras qu'on ne peut aller plus bas. Ce qui restera de toi, ce qui restera après avoir été dépouillé et écorché par la chute s'appelle ta fondation. C'est l'appui qui ne peut tomber parce que déjà enfoui, au plus profond de toi. Si parfois l'Homme découvre sa fondation dans le drame de l'écrasement sentimental, il l'élève en oeuvre d'art à travers son irrépressible envie d'être au monde.

Le protagoniste, devenant alors héros, enlèverait son armure, l'uniforme de la majorité, en se disant que si "les flèches vont faire plus mal, les caresses seront plus douces". Il reprendrait ensuite le chemin qui le mènera dignement à son inévitable fin.






ps: texte aussi inspiré de discussions avec Lisandre Bouchard-Lepage et Anthony Côte. 

1 commentaire:

  1. Les deux deuxièmes paragraphes (du début et de la fin), c'est absolument ce dont j'avais besoin aujourd'hui. Merci, Oly!

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